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Travailler sur soi pour travailler demain

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Emploi

À Chambéry, plusieurs chefs d'entreprise ont créé l'association Rebonds, pour amener à l'emploi les personnes qui en sont le plus éloignées.

Une expérience unique à laquelle la Fondation Transdev a apporté son soutien, en complément de l’implication du directeur de sa filiale locale.

Comment rapprocher de l’emploi ceux qui en sont le plus éloignés ?

Ceux avec lesquels aucun programme n’a marché ? Ceux qu’il est tellement tentant de rendre responsable de leur sort, et de les y abandonner ? Après plus de 20 ans dans l’insertion professionnelle, dont 10 à développer sa propre entreprise qui compte aujourd’hui 120 salariés, Sami Yacoubi continue de s’interroger… « Soyons honnêtes : quand on recrute pour un programme d’insertion, on finit toujours par donner la priorité aux profils pour lesquels on sent que ça va marcher. C’est humain. C’est aussi la faute d’une société qui veut tout évaluer avec des chiffres. Mais est-ce vraiment ces personnes-là qui ont le plus besoin de nous ? »

Un dispositif inédit

Sami Yacoubi décide finalement de créer l’association Rebonds avec quelques chefs d’entreprise pour certains originaires, comme lui, de Chambéry-le-Haut, un quartier réputé difficile. Leur projet ? Prendre en charge un public de plus de 26 ans en rupture sociale, échappant à tout dispositif d’accompagnement. Avec le soutien de Pôle Emploi, des Communautés de Commune d’Aix-les-Bains et de Chambéry et de quelques mécènes, dont la Fondation Transdev, ils imaginent un dispositif inédit, combinant un travail sur soi approfondi, des rencontres avec des patrons ayant commencé « en bas de l’échelle », 21 jours de décontextualisation au Maroc pour participer à la mise en place d’un projet écologique et solidaire, des stages de découverte des métiers et du coaching. À l’automne 2016, 10 stagiaires, 3 filles et 7 garçons, se lancent dans l’aventure, pour 10 mois.

« J’ai découvert que je pouvais changer »

« Le premier mois m’a fait un effet extraordinaire, se souvient une bénéficiaire du dispositif. Les deux animateurs, en utilisant les outils de la PNL*, m’ont permis de réaliser que j’étais pleine de préjugés, à commencer sur moi-même. Je pensais que je n’avais pas de qualités et que je ne pouvais rien faire d’autre que de l’intérim occasionnel en industrie. En fait, j’étais complètement renfermée. Quand j’ai compris que c’est moi qui me mettais des barrières et que je pouvais changer, je me suis ouverte. Aujourd’hui, je suis très à l’aise et très heureuse dans le métier d’agent d’accueil, où je prends un immense plaisir au contact humain. »

Se retrouver… dans le désert

Le voyage au Maroc n’a pas moins marqué ses participants. Dans un premier village, ils participent à la mise en place d’un système de collecte des déchets, jusqu’alors inexistant. Ils visitent l’école. Ils aident encore à la création d’une coopérative de ramassage et de commercialisation de dattes.

Petit à petit, ils mesurent les conditions favorables dont ils bénéficient en France, malgré les difficultés de leur parcours. Ils réalisent la responsabilité que cela leur donne, vis-à-vis d’eux-mêmes. Loin de leurs sentiers battus, ils imaginent de nouvelles trajectoires… Puis, vient la rencontre avec le désert, dont 3 jours et 2 nuits à marcher dans les dunes.

Le travail intérieur d’abord

« Il y a dans ce projet une part de gratuité, de don, essentielle à sa réussite, explique Sami Yacoubi. Il faut d’abord reconnaître ces personnes là où elles en sont, avant de parler de résultat ou de performance. Quand on a longtemps manqué de considération, on ne se reconstruit pas en quelques semaines. Ce n’est qu’une fois ce travail intérieur accompli que l’envie de s’insérer professionnellement dans la société arrive… naturellement. Au terme de ce parcours, 7 de nos stagiaires ont très rapidement trouvé un emploi stable. C’est formidable. Mais je me dis que, peut-être, nous sommes passés à côté de personnes plus fragiles encore dont il faudra bien, un jour, s’occuper. »

« Au début de la formation, je ne pouvais pas aligner 2 phrases devant un groupe de 10 personnes ; à la fin, j’ai présenté notre aventure devant un parterre de dirigeants, dans un grand amphithéâtre, en me sentant tout à fait à l’aise. Ludovic Jourdain, patron de la STAC ** en 2016, faisait partie du projet. Avec ses encouragements, j’ai passé avec succès les tests et les entretiens pour devenir médiateur. C’est le travail dont je rêvais. »
Riad Chamssia, Bénéficiaire du dispositif

* Programmation Neuro-Linguistique. C’est un ensemble de techniques qui apprend à remplacer ses comportements pénalisant par des comportements adéquats, en comprenant comment on les « fabrique » soi-même.

** La société de transports de Chambéry (STAC).

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