À Grenoble, l'Orchestre des enfants, créé par l’association Le Prunier Sauvage, ouvre ses jeunes musiciens, mais aussi leur quartier, sur la ville et sur le monde. Il prouve, une nouvelle fois, que la culture peut faire tomber toutes les barrières, y compris les barrières intérieures.
À Grenoble, le 9 juin dernier, l’Orchestre des enfants du quartier Mistral, l’un des plus excentrés de la ville, participait pour la première fois au grand final de la fête des Tuiles. Préparé depuis de longues semaines sous la direction de 4 collectifs d’artistes, son spectacle ambulant, baptisé la Grande Parade, rassemblait 12 jeunes musiciens, des habitants du quartier, des élèves de l’école élémentaire et des personnes âgées d’un établissement spécialisé. Au total, 90 artistes amateurs qui ne sont pas près d’oublier l’événement,…
LE RESULTAT D’UN LONG TRAVAIL
« La fierté se lisait dans les yeux, raconte Brahim Rajab, directeur du Centre culturel du Prunier Sauvage. C’était bien là notre objectif de départ, au-delà de la pratique musicale : qu’ils prennent confiance en eux et qu’ils élargissent leurs horizons. Et aussi qu’avec eux, tout le quartier Mistral s’ouvre sur la ville et sur le monde. Ce n’est pas simplement une belle histoire : c’est la récompense de leur travail. Car l’Orchestre des enfants n’est pas seulement un projet d’animation, mais bien une formation à la musique. Nos intervenants sont d’excellents professionnels, aussi bons musiciens que pédagogues. Et leur bienveillance va de pair avec leur exigence. »
LA CULTURE CONTRE LE REPLI
Petit retour en arrière, il y a 4 ans… Depuis 20 ans, le quartier Mistral de Grenoble, excentré et mal desservi, est privé de formation musicale régulière et de qualité. L’association Le Prunier Sauvage, décide d’en faire son cheval de bataille pour lutter contre l’auto-dévalorisation, souvent « vécue » dès le plus jeune âge, et qui conduit au repli sur soi et à l’exclusion. Elle réunit un premier groupe de 14 enfants, dont la plupart n’a aucune pratique de la musique. C’est leur motivation qui compte. Ils s’engagent pour 3 ans. La démarche pédagogique, originale, croise l’approche classique avec lecture des notes et l’approche africaine, basée sur l’oralité et la corporalité. Chaque fin d’année, un spectacle est présenté aux familles et aux habitants du quartier. Sa qualité ne cesse de s’améliorer.
LES ENFANTS PROGRESSENT MEME A L’ECOLE !
« Depuis 3 ans, ma fille fait du piano et mon fils de la batterie dans l’Orchestre des enfants, s’enthousiasme Aïcha Kaddar, maman de Lina et d’Adam. Ils n’avaient jamais fait de musique et le choix de leur instrument s’est fait naturellement, lors d’une séance d’essai. Cette activité a changé leur vie et celle de notre famille. Ils ont bien sûr énormément progressé en musique. Mais ils ont aussi amélioré leurs résultats scolaires, dans toutes les matières. Grâce à l’Orchestre, ils vivent une adolescence plus apaisée, plus positive. Et moi, cela m’a fait réaliser un vieux rêve : commencer le violon, ce que je fais avec une autre association. «
Pour amener les enfants à prendre confiance en eux et à s’ouvrir sur d’autres possibles, le projet ne se limite pas à leur donner une éducation musicale de qualité. Il s’articule aussi autour de sorties et de rencontres artistiques, dans d’autres lieux de la ville et de l’agglomération. Les spectacles de cirque, de danse, de chant lyrique choisis sont souvent labellisés « scène nationale » pour leur qualité. Le temps d’un week-end, un stage réunit les jeunes musiciens dans le site magnifique de Mont-Saint-Martin. Certains d’entre eux iront même jouer à Casablanca, au Maroc, avec les élèves du Centre Culturel « Les étoiles de Sidi Moumen »…
Quelques chiffres…
28 enfants de 7 à 13 ans formés en deux promotions de 3 ans
6 professeurs de musique professionnels
280 heures de cours par saison
UN PARCOURS VERS L’AUTONOMIE
Le but ultime de tout éducateur : apprendre l’autonomie qui permet, tout au long de la vie, de s’épanouir et de trouver son chemin.
Il y a 3 ans, un deuxième groupe d’enfants est prêt à se lancer. Pour eux aussi, il faut des professeurs compétents, des cours individuels et de la pratique collective, des spectacles et des rencontres. Se reconnaissant complètement dans cette volonté de faire de la culture un levier d’émancipation et de mobilité sociale, la Fondation Transdev apporte alors son soutien au projet. Celui-ci pourra aller jusqu’au bout, sans rien rabattre de ses exigences. « La formation du premier groupe s’est achevée l’année dernière, poursuit Brahim Rajab.
Certains jeunes continuent leur formation au conservatoire et d’autres profitent plus librement des salles et des instruments que nous mettons à leur disposition. »