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Une épicerie sociale itinérante pour lutter contre l’isolement en milieu rural

Actualité

Médiation sociale

L’épicerie sociale de Pamiers en Ariège a développé un service de livraison à domicile destiné aux personnes précaires à mobilité réduite avec le soutien de la Fondation Transdev.

Depuis un an, cette initiative facilite la vie de Magali, 36 ans, en situation de handicap. Fini la privation systématique et la souffrance liée aux déplacements, désormais la jeune femme fait ses courses dans la sérénité.

Depuis un an, grâce à l’épicerie sociale itinérante de Pamiers (Occitanie), le quotidien de Magali a radicalement changé. Pour cette Ariégeoise de 36 ans en situation de handicap, faire les courses n’est désormais plus synonyme d’anxiété et de souffrances. « Je ne suis pas forcée d’acheter de la sous-marque et je ne souffre plus des déplacements au supermarché », résume la jeune femme.
Magali souffre de deux pathologies : un lupus et une fibromyalgie. La première l’empêche de s’exposer au soleil, la seconde lui provoque une fatigue extrême et des douleurs constantes. Chaque déplacement physique représente une perte d’énergie considérable pour la jeune femme qui ne peut donc pas travailler. Alors Magali vivote grâce à l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et la CAF. « Je fais attention à tout, assure-t-elle, mais après le loyer, les charges, les frais médicaux, la mutuelle et l’assurance, il me reste 250 euros pour vivre. Donc heureusement que l’épicerie sociale est là. »

Une épicerie sociale itinérante contre l’isolement et la précarité

Lancée par l’association Hérisson-Bellor, l’épicerie sociale ouvre ses portes en février 2016 dans la Zone du Pic à Pamiers. Le petit commerce solidaire entend proposer aux habitants précaires l’accès à un ensemble de produits de qualité à bas coût. « Je rencontre les personnes au cas par cas, précise Christine Potron, encadrante du projet et conseillère en économie sociale et familiale, puis je calcule le reste à vivre par personne au foyer par jour. » S’il est de moins de 10 euros, la personne est intégrée au programme.

Rapidement, les responsables du projet prennent conscience des problèmes de mobilité de leurs bénéficiaires. L’absence de transports publics dans certaines zones du département ajoute aux difficultés économiques des plus précaires, souvent dépourvus de voiture ou même de permis de conduire. L’association Hérisson-Bellor monte alors un partenariat avec le chantier d’insertion ISCRA, qui lance le service de livraison à domicile en octobre 2017 : « C’est un constat fait par tous les travailleurs sociaux du département, il y a un gros problème de mobilité dans l’Ariège, souligne Christine Potron, alors pour ne pas créer une discrimination supplémentaire entre ceux qui peuvent se rendre à l’épicerie et ceux qui ne peuvent pas, nous avons décidé de lancer l’épicerie itinérante. »

Un “Drive” pour lutter contre l’isolement en milieu rural

Avant sa rencontre avec l’équipe de l’épicerie sociale, pour se nourrir, Magali oscillait entre les associations d’aide aux plus démunis et la grande surface la plus proche. À cette époque, les plaisirs culinaires sont rares et la privation presque systématique. « L’hiver, je pouvais bénéficier des Restos du Cœur, j’avais un petit colis, mais ça ne représentait pas grand-chose » se souvient-elle. Le reste du temps, la jeune femme se rend au supermarché avec la navette pour « acheter le minimum ». À chaque produit placé dans son caddie – souvent les mêmes – Magali compte le nombre de repas correspondants : « 10 steaks ça fait 10 repas, détaille-t-elle. 1 kilo de pâtes, ça fait 5 repas… »

Ce simple tour au supermarché épuise la jeune femme pour le reste de la journée. Sans compter les incivilités et le fait de devoir présenter sa carte handicapée en caisse. « Même avec ma canne, les gens ne faisait pas attention, je me faisais bousculer et j’étais obligée de hurler à la caissière : “je suis handicapée !” Maintenant, avec l’épicerie sociale, j’ai le choix. Si je ne suis pas bien pour y aller, on m’amène à la maison ce dont j’ai besoin. »

Manger équilibré en préservant son budget alimentation

Chaque jeudi, Magali reçoit un coup de téléphone d’un employé de l’épicerie sociale. « Ils prennent le temps, ça peut aller jusqu’à 30 minutes s’il le faut », précise l’Ariégeoise. Pour passer commande, Magali et les bénéficiaires peuvent se référer au petit livret fourni par l’association, regroupant tous les produits disponibles : « il y a des choses qu’on ne peut pas s’acheter en temps normal, comme le fromage, la viande, les légumes, les produits d’hygiène et d’entretien. Il n’y a que le congelé qu’on ne peut pas avoir en livraison. »

Fournis principalement par la banque alimentaire, les produits de l’épicerie sociale sont vendus entre 30 et 50 % du prix du produit de base. « J’achète un bleu de Bresse à 60 centimes !, se réjouit Magali. Ça fait du bien de ne pas être obligée d’acheter de la sous-marque parce qu’on n’a pas les moyens. » La commande passée est livrée l’après-midi même. Pour un plus large choix, les bénéficiaires peuvent également se rendre à l’épicerie sociale de Pamiers. Ils sont ensuite raccompagnés par les membres de l’équipe avec leurs achats.

Contrairement aux grandes surfaces, avec l’équipe de l’épicerie sociale, Magali se sent considérée et respectée. « On nous demande comment ça va, on discute, ils connaissent nos goûts, nos envies. » Depuis qu’elle bénéficie de ce service, Magali peut aussi prendre plus de temps pour elle. « Psychologiquement, ça m’a vraiment enlevé un poids. Et physiquement, ça me fait beaucoup de bien. Je garde cette énergie pour faire autre chose, avoir une plus grande vie sociale. Au lieu de faire mes courses, je peux voir ma copine ou promener davantage mon chien. »

L’épicerie sociale : 3 salariés en insertion et 183 familles accompagnées

Comme Magali, 183 familles en situation de précarité ont été intégrées à l’épicerie sociale et à son service itinérant en 2018. Mais le petit commerce solidaire peine à tenir sa rentabilité. « Le problème, c’est qu’on a des populations tellement pauvres qu’elles ne commandent parfois que deux fois par mois. Et la majorité d’entre elles ne veulent pas dire qu’elles viennent ici, c’est d’ailleurs pour ça que notre camion de livraison est blanc, comme n’importe quel autre service. On a donc un déficit de publicité par rapport à ça. »

En plus de l’équipe encadrante, l’épicerie sociale compte aujourd’hui trois salariés en insertion. Longtemps éloignés de l’emploi, ils se forment aux différents métiers (caisse, prise des commandes, livraison, mise en rayon, manutention) pour rebondir ensuite vers une formation ou un emploi pérenne. Une entreprise sociale et solidaire que Magali, reconnaissante, espère voir grandir : « Je veux leur dire merci pour ce qu’ils font, j’espère qu’ils vont réussir à se développer un peu plus et à exporter l’idée dans d’autres villes, c’est tellement important, il faudrait que plus de personnes puissent y avoir accès. »