"CeuxQuiFont", la série de podcasts conçue et produite par le média Carenews, est destinée à aider les acteurs associatifs engagés auprès des publics fragiles notamment pendant cette crise sanitaire. Louise Vignaud, journaliste, reçoit Bernadette Rwegera, fondatrice et directrice d’Ikambere, une association d’accueil et d’accompagnement des femmes séropositives en lle-de-France.
IKAMBERE, qui signifie « maison d’accueil » en Kinyarwanda (langue du Rwanda), est une association née en 1997 à l’initiative de Bernadette Rwegera. En 1995, elle mène un travail universitaire consacré aux femmes et aux enfants migrants atteints du VIH en Île-de-France. À cette époque, près de 30 000 personnes ont déjà été victimes du VIH en France. Bernadette Rwegara dresse le constat suivant : les femmes migrantes et séropositives sont particulièrement touchées par l’isolement et la grande précarités. « Quand je faisais ce travail de recherche, en 1995, il n’y avait pas beaucoup de traitement. Pour les personnes qui vivaient avec le VIH à l’époque, la mort était imminente. »
À l’issue de ce travail, Bernadette décide d’agir et passe du statut de chercheuse à celui de militante associative. Elle fonde l’association Ikambere pour permettre aux femmes séropositives de sortir de la honte et de l’isolement liés à la maladie. « J’ai créé Ikambere pour permettre à ces femmes d’avoir un espace à elle et d’être accompagnées pour sortir de l’isolement et de la précarité. » La première maison accueillante de l’association s’ouvre à Saint-Denis.
LA MAISON QUI RELÈVE LES FEMMES
Depuis plus de 20 ans, l’association Ikambere envisage l’accompagnement des femmes séropositives dans sa globalité en s’attaquant à tous les problèmes qu’elles peuvent rencontrer.
Au quotidien, la maison accueillante de Saint-Denis permet aux femmes de se retrouver et de profiter d’activités collectives afin de recréer du lien : repas gratuits, sport, danse-thérapie, alphabétisation, informatique, nutrition. Aujourd’hui l’association s’appuie sur 25 salariés qui accompagnent plus de 500 femmes par an, à travers différents programmes spécifiques :
UN ACCOMPAGNEMENT SPECIFIFIQUE A CHAQUE ETAPE DE LA REINSERTION
- un programme d’accueil et d’accompagnement vers l’autonomie : une équipe de cinq assistantes sociales accompagnent les femmes dans leurs démarches d’accès au droit et au logement ;
- un programme de formation professionnelle à travers un accompagnement individualisé, mais aussi des ateliers collectifs favorisant le retour à l’emploi ;
- un programme de prévention dans des foyers de travailleurs migrants, des associations de femmes et des lieux d’accueil des jeunes, où les animatrices de santé animent des séances d’information et de sensibilisation sur le VIH et les IST (infections sexuellement transmissibles) ;
- un programme de permanences hospitalières pour accompagner les patients durant leur consultation ou leur hospitalisation. Ce programme vise notamment à répondre aux préoccupations du corps médical pour la prise en charge des patients migrants et à combler les difficultés liées aux barrières de la langue et à une compréhension différente de la maladie et des soins ;
- un projet appartement-passerelles qui propose une transition entre l’hébergement d’urgence et le logement définitif pour les femmes dont l’état de santé est dégradé
- un projet mère-enfant où l’association propose un accompagnement renforcé, spécifique et pluridisciplinaire pour les mères célibataires et leurs enfants ;
- un projet femmes âgées : Ikambere offre aux femmes atteintes du VIH et âgées de 60 ans et plus (« les femmes Roseaux ») un accompagnement et un espace d’écoute et de parole spécifiques pour aborder les questions de vie qui leur sont propres.
AVEC LA CRISE SANITAIRE, ENCORE PLUS D’ISOLEMENT POUR LES FEMMES
Au début de la crise sanitaire, la maison accueillante de Saint-Denis a dû stopper ses activités collectives
« La crise sanitaire a vraiment enfoncé les femmes dans la précarité et dans l’isolement. Elles ne peuvent plus venir à Ikambere comme elles le faisaient. Les activités de lien ont été stoppées, cela a donc renforcé l’isolement. De nombreuses femmes, notamment les mères seules, n’arrivent pas à faire les cours à distance : beaucoup n’ont pas d’ordinateur, certaines sont analphabètes et n’arrivent pas à assurer les cours à la maison. Cette situation crée beaucoup d’inégalités. »
L’association a tout de même mis en place des solutions d’urgence pour garder le lien avec les femmes accompagnées :
« Nous avons ouvert une permanence téléphonique 24h/24 destinée aux femmes, explique Bernadette Regwera. Chaque femme qui appelle et a un besoin est orientée vers une assistante sociale qui l’accompagne. Les assistantes sociales ont beaucoup travaillé à la distribution de tickets service. Nous organisons une fois par semaine la distribution des colis alimentaires aux femmes. »
COMMENT AIDER IKAMBERE ?
Ikambere va ouvrir une deuxième maison à Ivry destinée aux femmes vivant avec une maladie chronique (hypertension, obésité, diabète). Une troisième maison, cette fois reposante, doit également ouvrir ses portes en 2021 dans l’Essonne pour permettre à toutes les femmes suivies par l’association de partir en vacances ou de passer des week-ends à la campagne. Une manière pour les femmes de souffler un peu.
Bernadette Rwegera rappelle qu’Ikambere a toujours besoin de nouveaux bénévoles et de personnes investies dans le programme d’insertion professionnelle destiné aux femmes. Pour soutenir Ikambere et ses bénéficiaires, vous pouvez aussi faire un don à l’association.